Mise à jour le 17 février 2025
Le renoncement aux soins concerne une part significative de la population Française. Quelles en sont les causes principales et les conséquences sur la santé publique en France ? Quelles solutions peuvent-être envisagées pour améliorer l’accès aux soins pour tous ? PRÉVOIR vous éclaire.
En France, 6 personnes sur 10 déclarent avoir déjà renoncé ou reporté des soins nécessaires1. Ce phénomène, bien qu’inquiétant, est révélateur des nombreuses inégalités dans l’accès aux services médicaux. Malgré un système de santé basé sur des principes d’universalité, des obstacles financiers, géographiques et organisationnels persistent pour une grande partie de la population. Ces difficultés ont des conséquences importantes, non seulement sur la santé des individus, mais aussi sur le système de santé dans son ensemble.
Les principales raisons du renoncement aux soins en France
Les freins financiers : un obstacle majeur pour les plus précaires
Malgré la couverture universelle offerte par le système de santé Français, le coût des soins reste un frein important. En 2021, plus de neuf millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté en France2. Ces foyers modestes sont en première ligne face aux difficultés rencontrées au moment de l’avance de frais liés à une consultation ou à un traitement.
Par exemple, une prothèse dentaire coûte entre 500 et 1 000 €, dont une grande partie reste souvent à la charge du patient et que certains foyers peuvent peiner à assumer. Les lunettes et les prothèses auditives ne sont également pas toujours bien remboursées dans une majeure partie des cas, et ce, malgré des progrès apportés, notamment par la réforme 100 % santé. Cette réforme a permis une meilleure prise en charge de certains équipements standards (lunettes, prothèses dentaires, audioprothèses), mais son impact reste limité pour ceux nécessitant des produits ou services spécifiques non inclus dans un panier de soins.
Par ailleurs, les dépassements d’honoraires pratiqués par certains spécialistes aggravent encore la situation. Près de 20 % des consultations spécialisées en France impliquent des dépassements d’honoraires, rendant les soins inaccessibles à une partie des patients3.
Parmi les neuf millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, on y retrouve principalement les familles monoparentales, les retraités à faibles revenus et les jeunes actifs précaires, qui sont effectivement les plus touchés par ces inégalités. Par exemple, une mère seule avec un enfant à charge et disposant de ressources modestes peut être amenée à différer ou à renoncer certains soins pour privilégier des dépenses de première nécessité et prioriser la santé de son enfant. Ces choix, souvent contraints, peuvent entraîner des répercussions importantes sur la santé générale à long terme.
Le saviez-vous ? Près de 15 % des Français considèrent le coût des soins comme un frein majeur à leur accès à des services médicaux4.
Retrouvez nos éclairages pour y voir plus clair sur les frais de santé : Combien coûte une hospitalisation ?
Les délais d’attente : une problématique croissante
L’accès restreint aux soins réside également dans les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous médical auprès de certains spécialistes. En moyenne, un patient doit attendre 77 jours pour consulter un ophtalmologue et 69 jours pour un cardiologue5. Ces chiffres, qui ont pratiquement doublé en une décennie, traduisent la pénurie de professionnels de santé, particulièrement dans certaines spécialités (gynécologues, dermatologues etc.).
La situation est encore plus critique en zone rurale, où le manque de praticiens allonge les délais et complexifie l’accès aux soins et ces retards entraînent des conséquences directes sur la santé des patients. Par exemple, un retard de dépistage pour un cancer peut réduire les chances de survie de manière significative.
Le temps d’obtention de rendez-vous a pratiquement doublé en cinq ans sur la plupart des spécialités : plus de deux mois pour un cardiologue, plus de trois mois pour un dermatologue6.
La distance géographique
Le concept de désert médical désigne les zones où l’accès aux soins est limité par un manque de professionnels ou d’infrastructures et où les habitants peinent à bénéficier de soins pleinement adaptés à leurs besoins.
En 2023, environ 30 % des Français vivaient dans de telles zones, particulièrement dans les territoires ruraux et les départements d’Outre-Mer. Les habitants des zones rurales doivent parcourir des distances considérables pour accéder à un médecin ou un hôpital. Plus de 20 % des habitants des zones rurales déclarent avoir dû renoncer à des soins en raison de cette distance géographique ou de l’absence de solutions de mobilité adéquates7.
Dans ces zones plus éloignées, les temps d’accès aux soins sont d’autant plus critiques, on ajoute en moyenne8 :
- 36 minutes de plus pour rejoindre l’hôpital le plus proche de chez eux ;
- 34 minutes pour consulter un médecin de ville ;
- 32 minutes supplémentaires pour accéder à un pédiatre.
Ce trajet peut même doubler dans certaines régions particulièrement isolées comme le Massif central ou certaines zones des Alpes et de façon générale, ce manque d’accès rapide touche tout particulièrement les personnes âgées, les individus à mobilité réduite et ceux ne disposant pas de moyens de transport.
Bon à savoir : En 2023, la densité médicale moyenne en France était de 318 médecins pour 100 000 habitants, mais ce chiffre masque d’importantes disparités : dans certains départements ruraux comme la Creuse, elle tombe à 170 médecins pour 100 000 habitants, contre 425 à Paris9.
La pénurie de praticiens, combinée à une population vieillissante dans ces régions, amplifie le problème. Les distances et les temps de trajet rendent également les soins préventifs comme les dépistages plus difficiles à réaliser.
Les conséquences sur la santé publique
Une détérioration de la santé globale
Le renoncement aux soins entraîne des complications sur la santé individuelle et collective. Lorsqu’un soin est reporté ou abandonné, des pathologies bénignes peuvent évoluer vers des formes graves, nécessitant des traitements plus lourds et souvent plus coûteux.
Par exemple, un patient souffrant de diabète qui ne bénéficie pas d’un suivi régulier peut rapidement voir sa maladie s’aggraver, avec des complications telles que l’insuffisance rénale, des troubles de la vision ou, dans les cas les plus sévères, une amputation. De même, les maladies cardiovasculaires non traitées à temps augmentent les risques d’accidents graves tels que les infarctus ou les AVC.
Ces situations ne concernent pas uniquement les individus : elles pèsent également sur le système de santé dans son ensemble, entraînant une surcharge des services d’urgence et des coûts accrus pour la collectivité. Les retards de diagnostic sont particulièrement préoccupants dans le cas des cancers, où le dépistage précoce est souvent déterminant pour les chances de guérison. Une tumeur détectée à un stade avancé nécessite des traitements plus lourds, comme la chimiothérapie ou la chirurgie, avec un taux de succès réduit.
Au-delà des maladies graves, ce sont également les soins préventifs qui sont mis à mal. Les dépistages, bilans de santé ou examens réguliers, qui permettent de détecter des soucis de santé avant qu’ils ne soient trop graves sont souvent négligés par manque de moyens financiers ou d’accès aux professionnels. Or, la prévention est l’un des piliers d’un système de santé efficace et durable. En la négligeant, on s’expose à des problèmes de santé plus complexes et plus coûteux à traiter à l’avenir.
En effet, plus d’un Français sur trois10 déclarent que les reports de soin ont eu des conséquences graves pour eux, et plus d’un Français sur deux rapportent des conséquences graves pour leurs proches, notamment psychologiques face à la maladie et la difficulté de ce nouveau quotidien.
Le saviez-vous ? Selon la Ligue contre le cancer, un diagnostic de cancer du sein effectué six mois trop tard peut augmenter la mortalité de 20 %11.
Des répercussions psychologiques et sociales importantes
Le renoncement aux soins ne touche pas uniquement la santé physique, il a également un impact significatif sur le bien-être psychologique et mental. Lorsque l’accès aux soins devient difficile, les patients peuvent se sentir abandonnés par le système de santé. Ce sentiment de frustration et d’impuissance peut rapidement évoluer vers des troubles anxieux voire, dépressifs et ce, particulièrement chez les populations les plus vulnérables, les personnes âgées, les chômeurs ou travailleurs précaires qui subissent déjà une forte pression économique.
Ces troubles psychologiques, s’ils ne sont pas pris en charge peuvent à leur tour aggraver l’état de santé général du patient. Une personne souffrant de dépression est moins susceptible de prendre soin d’elle, ce qui peut entraîner une négligence des traitements médicaux ou un mode de vie moins sain. Par ailleurs, les troubles de santé mentale eux-mêmes nécessitent un suivi spécifique, qui est souvent difficile à obtenir dans un contexte de pénurie de psychiatres et de psychologues, en particulier dans les zones de déserts médicaux.
Sur le plan social, le renoncement aux soins renforce également les inégalités entre les différentes catégories de population. Les personnes issues des milieux défavorisés, qui rencontrent déjà des difficultés économiques, se retrouvent confrontées à des obstacles supplémentaires, ce qui accentue leur isolement et qui renforce les craintes des Français face à l’avenir.
> Les craintes des Français face à l'avenir
Le saviez-vous ? En 2024, 54 % des Français se sont rendus dans un service d’urgence pour des raisons qui ne relevaient pas d’une urgence médicale. Parmi eux, une grande partie s’y est rendue pour être rassurée et une autre pour bénéficier de soins dans l’immédiat sans avoir à attendre un rendez-vous dédié avec un spécialiste12.
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Les solutions envisagées pour garantir un meilleur accès aux soins
Rééquilibrer l’offre de soins sur le territoire
Pour remédier au problème des déserts médicaux, il est essentiel de rééquilibrer l’offre de soins sur l’ensemble du territoire. Cela passe notamment par la création de maisons de santé pluridisciplinaires qui regroupent plusieurs professionnels (médecins généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes etc…) dans une même structure. Ces centres permettent de mutualiser les ressources médicales, de simplifier le parcours des patients et d’assurer une prise en charge globale, particulièrement dans les zones sous-dotées. Ces initiatives, déjà mises en place dans certaines régions, ont montré leur efficacité en réduisant les délais d’attente et en facilitant l’accès à des soins coordonnés.
Pour attirer davantage de professionnels de santé dans ces zones, des incitations financières pourraient être renforcées. Des aides à l’installation, des exonérations fiscales ou encore des primes spécifiques pour les médecins exerçant en milieu rural sont des leviers intéressants.
Par ailleurs, développer des stages obligatoires en zone rurale pour les étudiants en médecine afin de leur faire découvrir les avantages d’exercer dans ces territoires peut également être un défi à relever. Ces mesures, bien que coûteuses à court terme, représentent un investissement indispensable pour garantir une répartition plus équitable des professionnels de santé.
Enfin, des solutions plus mobiles, telles que les cabinets itinérants ou les unités de dépistages mobiles pourraient compléter cette offre en allant directement à la rencontre des populations plus isolées sur le territoire Français. Ces dispositifs, déjà expérimentés dans certaines régions par des camions de dépistage ou de vaccination par exemple permettent de pallier temporairement le manque de structures fixes tout en répondant à des besoins urgents.
Il est essentiel de bien comprendre son contrat santé : Bien comprendre son contrat santé
Des soins difficilement accessibles financièrement
La question de coût des soins reste un frein majeur pour une part importante de la population Française, malgré les dispositifs existants comme la Sécurité sociale ou les complémentaires santé. Ces freins sont accentués par des dépassements d’honoraires, des frais médicaux non couverts et des dépenses avancées qui pèsent sur les foyers les plus modestes. Près de 10 % des Français ont eu des dépenses de santé dépassant 200 € après remboursement, ce qui peut représenter un poids significatif pour ces foyers moins aisés financièrement13.
Ces 5 dernières années, 63 % des Français ont déjà renoncé à au moins un acte de soin et en les principales raisons :
- Temps d’attente pour obtenir un rendez-vous avec un médecin ou pour des analyses spécifiques trop important ;
- Coût des médicaments à acheter trop élevé ;
- Distance trop éloignée avec le professionnel de santé ou le centre d’analyse médical ;
- Consultation médicale trop coûteuse ;
- Analyses médicales qui coûtent trop cher.
Les difficultés financières sont significatives, parmi ces Français ayant déjà renoncé à des soins, 42 % d’entre eux ont renoncé pour des raisons budgétaires14. Ces renoncements concernent aussi bien des soins courants, comme les consultations médicales, que des actes plus spécifiques, tels que les soins dentaires, optiques ou auditifs.
Pour en savoir davantage sur les frais de santé, consultez notre article dédié : Êtes-vous au point sur vos frais de santé ?
Miser sur la télémédecine et les outils numériques
La télémédecine représente une solution innovante et prometteuse pour répondre aux défis posés par l’accès aux soins. En permettant des consultations à distance via des outils numériques, elle offre une alternative pratique, notamment pour les patients vivant dans des zones plus reculées. Ces consultations en ligne permettent de désengorger les cabinets médicaux tout en offrant un suivi rapide et efficace, en particulier pour les pathologies courantes ou les renouvellements d’ordonnance.
Cependant, pour que la télémédecine se développe pleinement, il est indispensable de garantir une couverture numérique suffisante sur l’ensemble du territoire. Les zones rurales, où l’accès à internet reste parfois limité, doivent faire l’objet de mesures spécifiques pour permettre une utilisation optimale de ces services. De plus, une sensibilisation des patients, notamment des seniors peu à l’aise avec ces nouveaux outils digitaux est indispensable car il est nécessaire de démocratiser et accompagner l’usage de la télémédecine.
> Quels sont les avantages de la téléconsultation ?
En parallèle, d’autres outils numériques, tels que les dossiers médicaux partagés ou les applications de suivi de santé, pourraient être d’autant plus développés pour optimiser le parcours de soins. Ces innovations, bien intégrées dans un système coordonné permettraient d’améliorer l’efficacité et la qualité des soins tout en réduisant les déplacements qui ne sont pas utiles.
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(1) IPSOS (Independent Polling System of Society), « Santé : un accès aux soins de plus en plus difficile en France », 2024.
(2) INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques), « Revenu, niveau de vie et pauvreté en 2021 », édition 2024
(3) DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), « Les dépenses de santé en 2021 », édition 2022
(4) DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), « Les dépenses de santé en 2021 », édition 2022
(5) DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), « Les dépenses de santé en 2021 », édition 2022
(6) IPSOS (Independent Polling System of Society), « Santé : un accès aux soins de plus en plus difficile en France », 2024
(7) INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques), « Revenu, niveau de vie et pauvreté en 2021 », édition 2024
(8) IPSOS (Independent Polling System of Society), « Santé : un accès aux soins de plus en plus difficile en France », 2024
(9) IPSOS (Independent Polling System of Society), « Santé : un accès aux soins de plus en plus difficile en France », 2024
(10) IPSOS (Independent Polling System of Society), « Santé : un accès aux soins de plus en plus difficile en France », 2024
(11) La Ligue Contre Le Cancer, « Dépistage du cancer du sein », 2023
(12) IPSOS (Independent Polling System of Society), « Santé : un accès aux soins de plus en plus difficile en France », 2024
(13) DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), « Les dépenses de santé en 2021 », édition 2022
(14) IPSOS (Independent Polling System of Society), « Santé : un accès aux soins de plus en plus difficile en France », 2024